par Patricia Lamarre et Monica Heller
Julie Blais Wambeke est née en 1921 à Battleford, Saskatchewan (une communauté surtout anglophone). Son père Charles, originaire de St-Édouard-de-Lotbinière au Québec, est parti seul vers le Klondike en train autour de 1913. Il est descendu à Edmonton, la fin de la ligne ferroviaire, où il a rencontré quelqu’un qui revenait du Klondike et qui lui a dit de ne pas y aller ( « Charlie, don’t go, y’a plus d’or » ). Il est retourné à St-Édouard où il a épousé Évelyne Blanchette de St-Évariste. Deux ans plus tard il a retourné dans l’ouest, cette fois-ci à Battleford. Son épouse et leurs deux enfants ont suivi.
« You have to think she [sa mère] did this by herself, without any English. It was a long trip – can you imagine the courage it took – by herself, with children and no English and it was a long trip.«
– Julie, Entretien, 2018
À Battleford, Charles tenait une écurie où les voyageurs pouvaient laisser leurs chevaux pour la nuit. Charles a laissé un « hobo » (itinérant) dormir dans la grange ; la grange a pris feu et tout a brulé. En 1927, Charles obtient de la CN une “terre” à Delmas, Saskatchewan, fondé en 1901 avec l’arrivée de la voie ferrée. La CN voulait faire coloniser les terres. Éventuellement les Blais ont eu 17 enfants.
« My dad was afraid of nothing. First one to buy a tractor, first one to buy a combine…. C’était un beau site… pour faire pousser des grains, de l’avoine, le blé. 360 acres. It was what we called « bald prairie », with bluffs. Never cultivated. »
– Julie, Entretien, 2018
Traduction :
« Mon père n’avait peur de rien. Le premier à acheter un tracteur, le premier à acheter une moissonneuse-batteuse…. C’était un beau site… pour faire pousser des grains, de l’avoine, le blé. 360 acres. C’était ce qu’on appelait ‘bald prairie’, avec des falaises. Jamais cultivé. »
Père Henri Delmas OMI était le premier curé dans la région (arrivé en 1900, en mission auprès des autochtones à la mission Thunderchild). Lui et un autre curé ont établi deux homesteads ; le père Delmas a fondé une école résidentielle, St-Henri-de-Thunderchild, sur le sien.
Formation comme enseignante
Formée comme enseignante à une école normale, en 1938 Julie Blais devient sœur enseignante dans l’ordre de l’Assomption de la Sainte-Vierge, à Edmonton, Alberta (l’ordre est basé à Nicolet, Québec). Elle enseigne dans les écoles françaises dans divers endroits de la province, y inclus à Bonnyville et à St. Paul, mais a passé aussi six ans à Edmonton où elle a complété une baccalauréat en Éducation.
En 1956, Julie déménage au sud de Lethbridge, à Taber, où elle travaille comme enseignante. Elle rencontre son futur mari, George Wambeke, à High River. George est originaire de l’Orégon.
Les parents de George Wambeke
Le père de George, un Belge, est venu aux Amériques au milieu du 19e siècle avec son frère, d’abord par bateau jusqu’à New York (ils ont dû payer leur passage en pelletant le charbon), ensuite à l’Orégon, au milieu du 19e siècle. Il épouse une femme catholique d’origine polonaise ; ils adoptent l’anglais comme langue commune. La famille Wambeke déménage au Canada en 1904 avec l’intention d’établir une ferme laitière à Red Deer (Alberta) mais ils s’arrêtent à High River à cause d’une inondation ; ils finissent par y établir un ranch à bétail. Des membres de la famille tiennent toujours ce ranch ainsi que d’autres qu’ils ont acquis par la suite.
High River Ranch, Big Hill, Alberta
Julie et George se marient en 1958. Ils passent leur lune de miel à Hawaii. Leur enfant est né en 1960 à High River. Suite à des vacances dans la vallée de l’Okanagan, la famille décide en 1961 de déménager à Kelowna pour que George, maintenant à la retraite, puisse cultiver des roses.
Julie remarque : « J’étais habituée de déménager… étant enseignante. »
– Julie, Entretien, 2018
Le Cercle de Ste-Cécile
Entre 1962 et 1966 Julie participe à l’établissement d’un réseau de femmes francophones (surtout originaires des prairies et de Maillardville en Colombie-Britannique) qui se connaissent à travers l’église qui dessert une communauté catholique et anglophone.
« Au début, nous ne savions même pas que nous étions là. »
– Julie, Entretien, 2018
Elles forment un groupe qu’elles appellent le Cercle de Ste-Cécile qui se réunit pour jouer aux cartes et chanter, employant le recueil de chansons La bonne chanson, bien connu à travers le Canada francophone depuis le début du 20e siècle. Durant cette période, la fille de Julie et George commence l’école, et Julie enseigne le français bénévolement à sa classe.
Le Centre culturel francophone de l’Okanagan
Le cercle de Ste-Cécile devient un point de ralliement et de concertation pour les francophones de la région. Julie fait partie des chefs de file ( « on était une petite gang de petites vieilles » ), militant à la fois pour l’établissement d’un vrai centre culturel avec son propre bâtiment et plus généralement pour les droits des francophones en Colombie-Britannique. Elle est impliquée au mouvement pour l’ouverture d’un bureau francophone de Radio-Canada (télévision et radio de l’état canadien), qui se réalise en 1967.
En 1974 le Cercle loue un bureau et devient le Club français. Julie en est la présidente de 1977 à 1978. En 1978 le Club devient le Centre culturel français de l’Okanagan. Il existe depuis 2010 comme le Centre culturel francophone de l’Okanagan (http://www.leccfo.org/en/).
En 1984, le Centre culturel français de l’Okanagan achète une ancienne église située au centre-ville de Kelowna sur la rue Bernard. L’église est rénovée afin de créer un lieu de rassemblement pour tous les francophones de la région. L’édifice, avec son clocher, sert toujours de bureau et de salle de rencontre où de nombreuses activités sont organisées pour le grand plaisir des francophones et francophiles.
De 1987-1988 Julie préside de nouveau le centre, maintenant le Centre culturel français de l’Okanagan. Un objectif central est de lever des fonds grâce à différentes activités pour payer l’immeuble qui abrite le centre. Une nouvelle génération de jeunes francophones plus récents luttera par la suite pour l’ouverture d’une école de langue française, qui devient réalité en 1998.
Pro Life Thrift Shop
La même année, Mme Wambeke ouvre un magasin d’articles usagés, le “Pro Life Thrift Shop”. Les profits sont versés à l’organisme Pro Life.
Durant ses années à Kelowna, Mme Wambeke retourne régulièrement voir sa famille qui reste à Delmas, son lieu de naissance. La visite la plus récente a eu lieu en 2010. En 2016, à l’âge de 96 ans, elle travaille quatre jours par semaine au magasin.
À la retraite depuis 2018, Julie apprend la guitare et à se servir d’un ordinateur.
Voici la carte de la trajectoire de Mme Julie Blais Wambeke.
Citations :
Barry, Bill. 1997. People Places : Saskatchewan and Its Names. Canadian Plains Research Center.
Julie Wambeke, « Les aînés nous parlent », Entrevue réalisée par l’Assemblée francophone des retraité(e)s et aîné(e)s de la Colombie-Britannique (AFRACB), été 2016. https://afracb.ca/index.php/activites/37-les-aines-nous-parlentRadio Canada. 50 ans de radio en français en Colombie-Britannique. Publié le 30 novembre 2017. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1070268/inauguration-cbuf-francophonie-medias-archives