par Chedly Belkhodja et Jacquelyn Hébert
Julien est un étudiant réunionnais arrivé à Rimouski en 2013. Il a terminé son programme en informatique de gestion au Cégep de Rimouski. Il est venu grâce à l’Entente Québec-Île de la Réunion : « J’avais accès à tout le Québec sauf les grandes villes. » Il est venu dans la région, car sa soeur était inscrite au Cégep de Matane. Il a donc fait le choix d’un projet de mobilité vers le Québec : « On m’a dit : va, c’est super ici, les gens sont vraiment sympas. Et je me suis dit : eh bien, pourquoi pas, j’ai déjà quelqu’un là-bas. Malheureusement, elle a dû quitter le pays peu avant que j’arrive. » Il explique en détail le processus qui l’a amené à Rimouski :
« En fait, ils sont venus nous démarcher dans le lycée. Il y avait Sandrine (l’agente administrative basée au Québec), il y avait des personnes d’ici du Cégep de Rimouski, d’autres Cégeps aussi. Et ils ont fait un meeting qui était optionnel. On pouvait y aller ou pas. Et ils ont commencé à nous décrire un peu ce qu’ils nous offraient. Ils nous offraient un cursus scolaire dans des branches qu’on voulait, littéralement.
– Julien, Entretien, 2015
Moi j’étais en architecture et construction sur l’Île de La Réunion. Sauf que j’avais toujours eu le béguin pour l’informatique et là, à ce meeting-là, je me suis rendu compte que j’avais l’opportunité du jour au lendemain de changer de voie, de me dire : ah, je peux faire ce que j’aime, je peux faire ce que je veux ! Et du coup, c’est resté dans ma tête, ça a trotté et je me suis dit : eh bien pourquoi pas ? »
Julien décrit son arrivée au Québec :
« On quitte l’île de La Réunion le 9 [septembre] ; on arrive en France le 10, on arrive ici [au Québec] le 11. À l’époque où j’étais arrivé, c’était juste un petit organisme qui dispatchait dans tous les Cégeps. »
– Julien, Entretien, 2015
Cet accueil regroupé fait partie de la stratégie d’accueil mise en place par les Cégeps du Bas-Saint-Laurent. Plusieurs étudiants et responsables d’établissement nous ont fait part de ce long voyage du pays d’origine jusqu’à la destination finale :
« On est venus en groupe grâce à l’organisme, ce qui fait qu’on était plusieurs Réunionnais, et après on se séparait au fur et à mesure que l’on avançait dans le Bas-Saint-Laurent. À chaque stop, il y en a un qui disparaît. »
– Julien, Entretien, 2015
Selon Julien, quitter La Réunion est une nécessité :
« À la Réunion, on a 30 % de chômage. C’est énorme, c’est vraiment incroyable, on est 800 000 sur l’île, il y a 30 % de personnes que ne travaillent pas. J’ai énormément de cousins qui sont à la recherche d’emploi depuis deux ans et demi. Ils n’ont toujours pas trouvé d’emploi. Je n’ai pas voulu être comme eux. J’ai voulu me donner une chance dans la vie, vraiment débuter quelque chose. J’ai donc quitté le domicile familial très rapidement, et j’ai dit : bon, tant qu’à faire je sais qu’au Québec, il y a du travail. »
– Julien, Entretien, 2017
L’attrait du Québec semble plus fort que le choix d’aller en France. Pour cet étudiant, la France reste ancrée dans une culture figée, tandis que le Québec offre la possibilité de changer de parcours :
« La France aurait été une option. J’avais même fait les papiers pour aller en France dans une école d’informatique… Enfin, la France m’a répondu négativement, comme quoi je venais d’une branche en architecture et que je n’avais pas le droit de postuler dans leurs classes en informatique, alors que le Cégep de Rimouski m’a dit : oui, bienvenue, viens on t’accueille. Et puis j’ai fait : bon, eh bien, au revoir la France, bonjour Québec ! »
– Julien, Entretien, 2017
Citation
Chedly Belkhodja (2017). «La mobilité des étudiants étrangers dans une région du Québec : le cas des étudiants réunionnais à Rimouski (Québec)», Géo-Regards : revue neuchâteloise de géographie, vol. 10, p. 155-170.