par Isabelle C. Monnin, Ph. D.
Rapport remis aux membres du projet « Un Canadien errant : ancrages, mobilités et restructurations transformatrices de l’identité nationale »
Dans le cadre de la complétion d’un projet postdoctoral au sein de la Chaire de recherche de niveau 1 sur les migrations, les transferts et les communautés francophones (Université de Saint-Boniface)
janvier 2019 – mai 2019
1. Introduction : objectifs et sources
2. L’exploration du Nord-Ouest, 1732-1779
3. La traite des fourrures et l’ethnogenèse métisse, 1780-1870
4. Le peuplement de la province et la dispersion des Métis, 1870-1930
5. Les exodes, 1930-1971
6. « Modernité » et revitalisation, 1971-2019
7. Conclusion et recommandations
Bibliographie pertinente et références citées dans le rapport
Annexes
1. Introduction : objectifs et sources
L’objectif de ce rapport, commandé par l’équipe du projet « Un Canadien errant : ancrages, mobilités et restructurations transformatrices de l’identité nationale », dans le cadre d’un projet postdoctoral mené au sein de la Chaire de recherche de niveau 1 sur les migrations, les transferts et les communautés francophones de l’Université de Saint-Boniface, est de fournir une synthèse des diverses vagues de migratoires au Manitoba à travers plusieurs périodes historiques, depuis le début de la présence française sur le territoire actuel du Manitoba.
Pour mener à bien la description et la synthèse requises dans ce rapport, j’ai fait usage de trois types de sources. Tout d’abord, j’utilise des informations recueillies dans deux séries d’entretiens ethnographiques. Les données du premier corpus (Corpus Monnin, 2014) ont été recueillies en 2014 au Québec et dans la région d’Ottawa[1] ; ce corpus regroupe 29 Franco-Manitobain.e.s qui ont migré vers ces régions du Canada entre 1960 et 1980. Les données du second corpus (Un Canadien errant, 2015-2019) ont été recueillies dans divers terrains au Canada entre 2015 et 2019 par l’équipe du projet de recherche « Un Canadien errant : ancrages, mobilités et restructurations transformatrices de l’identité nationale » (dir. Monica Heller). Parmi les données recueillies dans ce deuxième corpus, j’ai puisé des informations pertinentes, en particulier à partir des entretiens que l’équipe a menés au Manitoba, ainsi que des entretiens effectués à Montréal auprès de Franco-Manitobain.e.s
Ensuite, j’ai mis à profit les recherches dans les archives[2] qui ont été compilées par l’équipe du projet pour élaborer les profils et les trajectoires qui sont disponibles sur le site Web https://uncanadienerrant.ca/ Enfin, je me suis inspirée des travaux spécialisés produits sur le Manitoba et les migrations en son sein, provenant surtout, mais pas exclusivement, d’historiens et d’ethnohistoriens.
Le rapport est présenté de manière chronologique et est divisé en cinq périodes historiques afin de rendre compte des diverses phases de migration, tout en proposant des balises temporelles spécifiques à l’évolution socioculturelle de la population de langue française sur le territoire manitobain[3]. Ainsi, le rapport traite d’abord de la période allant de 1732 à 1779, durant laquelle des explorateurs « canadiens » et français explorent les territoires des Grands-Lacs et de la Baie-d’Hudson, tout d’abord au nom de la Ccouronne française puis au nom des compagnies de traite qui les engagent. Vient ensuite la période allant de 1779 à 1870, donc de la fondation de la Compagnie du Nord-Ouest (CNO) jusqu’à l’entrée du Manitoba en tant que province au sein de la Confédération canadienne. Il s’agit de l’apogée de la traite des fourrures et de l’ethnogenèse d’un groupe d’ascendance mixte dans le Nord-Ouest, les Métis. Suit la période 1870-1930 durant laquelle les Métis de la rivière Rouge se dispersent et plusieurs vagues de peuplement déferlent sur le Manitoba, altérant irrévocablement la composition démographique de la nouvelle province. La période suivante est celle de 1930 à 1971 pendant laquelle la population de langue française du Manitoba connaît plusieurs migrations – internes et externes à la province. Enfin, la dernière période va de 1971 à nos jours et recoupe la « modernisation » de l’identité francophone au Manitoba ainsi que la législation au sujet de la francophonie manitobaine sur la scène provinciale et nationale. En ce qui a trait à la mobilité, ces changements sociopolitiques entraînent une diversification au sein de la francophonie manitobaine.
Pour chaque période, je dégagerai les tendances politiques, économiques et socioculturelles qui sous-tendent la mobilité au Manitoba. Ces tendances seront illustrées en puisant dans une myriade d’études de cas et en observant les données des deux corpus et les sources archivistiques susmentionnées. Je tenterai également de mettre au jour les divers réseaux qui, à chaque période, ont permis cette mobilité. Enfin, pour chaque période, je présenterai brièvement, le cas échéant, les sources savantes utilisées. Une bibliographie non-exhaustive des sources qui peuvent s’avérer pertinentes pour tout chercheur intéressé à ces questions ainsi que des sources citées et utilisées se trouve également en fin de rapport.
2. L’exploration du Nord-Ouest, 1732-1779
La traite des fourrures à l’échelle du continent nord-américain a débuté dès la fin du 17e siècle, notamment avec la création de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) en 1670 et le monopole de l’Angleterre sur le territoire de la traite qui couvrait le bassin versant de toutes les rivières se jetant dans la Baie d’Hudson. Les Anglais ont exploré les terres autour de ce plan d’eau et y ont construit des postes de traite. Ils y échangeaient des fourrures à partir de la fin du 17e siècle.
Or, la traite des fourrures a essentiellement transposé les rivalités française et anglaise du Vieux Continent, notamment la guerre de Succession d’Espagne et la guerre de Sept Ans, sur le paysage économique du nouveau continent. Au terme de la Guerre de Succession d’Espagne (et la signature du Traité d’Utrecht en 1713), la Couronne française doit abandonner ses réclamations sur le territoire de la Baie d’Hudson. Les Français redoublent donc d’efforts pour maintenir le contrôle de la traite dans les Pays d’en-Haut afin d’obliger les Anglais à demeurer dans les régions côtières.
C’est dans les années suivant la signature du Traité d’Utrecht qu’a débuté l’exploration française et canadienne du territoire à l’ouest des Grands Lacs – territoire connu aujourd’hui comme le Manitoba. Dès les années 1730, la Compagnie de La Vérendrye – donc l’explorateur Pierre Gaultier de Varenne, dit Sieur de la Vérendrye, accompagné de ses fils et de ses engagés – a exploré l’intérieur des Grands Lacs et au-delà au nom de la Couronne française, arrivant jusqu’au nord de la Saskatchewan actuelle. Ils ont construit des installations qui faisaient office tant de postes de traite que de forts, transformant irrévocablement le paysage de la Prairie. Une partie des postes construits par les de La Vérendrye, dont ceux au Manitoba, sont demeurés en utilisation pendant la traite des fourrures, à savoir pour près de 140 ans après leur construction.
Dans le but de rivaliser avec la traite anglaise de la CBH, une compagnie basée à Londres mais dont le commerce est désormais bien enraciné en Amérique du Nord, de nouvelles compagnies, basées à Montréal, sont fondées dans les années 1770 et 1780, et reprennent les routes explorées quelques décennies plus tôt par les explorateurs français comme les de La Vérendrye.
Ces diverses entreprises, dont la Compagnie du Nord-Ouest (CNO) qui jouera un rôle déterminant pour la mobilité des francophones sur le territoire manitobain, explorent les terres intérieures à l’ouest des Grands Lacs, notamment ce qu’on connaît aujourd’hui comme le Manitoba. Elles utilisent parfois les postes érigés par les Français et les Canadiens et en construisent d nouveaux. En canot, des brigades de voyageurs partent de Lachine, sur l’île de Montréal, et sillonnaient les plans d’eau des Pays d’en-Haut en s’arrêtant aux divers postes de traite pour marchander et échanger. Les paroisses de la région montréalaise et des alentours servaient en effet de creuset important pour le recrutement des voyageurs.
Sources savantes
Plusieurs sources savantes, surtout dans le domaine historique, traitent des exploits du Sieur de La Vérendrye et des voyages d’exploration que sa Compagnie a effectués à l’ouest des Grands Lacs ainsi que des débuts de la traite des fourrures autour de la baie d’Hudson et dans les Pays d’en-Haut. En ce qui a trait aux de La Vérendrye, père et fils, on peut penser aux livres d’Antoine Champagne (1967) et à l’article de l’historienne Stéphanie St-Pierre (2017). En ce qui concerne les débuts de la traite, et tout particulièrement comment celle-ci a pu affecter la situation sociopolitique et la population du Manitoba, on peut consulter l’œuvre d’Antoine d’Eschambault (1932, édité par Lucien Dorge en 1973), Histoire de Saint-Boniface (Dauphinais, 1991) et le premier tome de Histoire du Manitoba de Jacqueline Blay (2010).
Pour le chercheur intéressé à en savoir plus sur le début de la traite des fourrures et la vie quotidienne dans lema Pays d’en-Haut, notons que les travaux de l’historien Richard White, notamment son ouvrage iconique The Middle Ground: Indians, Empires, and Republics in the Great Lakes Region, 1650-1815 est une source incontournable. Dans cette même veine, l’historien Gilles Havard a contribué amplement au développement des connaissances sur l’époque et la région (Havard, 2003, notamment). Enfin, le numéro 40-41 de la revue Francophonies d’Amérique (dir. Yves Frenette et Nicole St-Onge) est également indispensable.
3. La traite des fourrures et l’ethnogenèse métisse, 1780-1870
Les historiens et les folkloristes ont étudié de manière approfondie le commerce de la fourrure des 18e et 19e siècles. À cette époque, la circulation de marchandises et de personnes à travers le réseau hydrographique des Pays d’en-Haut était déjà une pratique courante. En fait, de nombreux voyageurs, engagés et marchands, souvent originaires du Bas-Canada, se sont établis dans les Pays d’en-Haut, que ce soit pour une saison, pour quelques saisons ou pour le reste de leur vie.
Cette phase d’intermariage dans l’Ouest canadien entre hommes blancs, le plus souvent Canadiens français mais aussi Anglais, Écossais ou Irlandais (comme le montrera plus loin le cas de la famille Dease), et femmes autochtones, surtout cries, ojibwas ou anishinaabe, est particulier au Nord-Ouest et constitue une ethnogenèse, comme l’ont expliqué plusieurs ethnohistoriens et géographes depuis le milieu des années 1980 (Peterson et Brown, 1985, par exemple), à savoir la naissance d’un nouveau groupe ethnoculturel, les Métis.
Ces derniers étaient des acteurs extrêmement importants dans le commerce de la fourrure. Ils jouaient non seulement le rôle d’intermédiaires entre les peuples autochtones et les Blancs, mais ils devinrent également commerçants au cours de cette période, vendant du pemmican et d’autres produits alimentaires aux voyageurs. D’ailleurs c’est pour cette raison, entre autres, que les chasses bisannuelles étaient si importantes. Elles permettaient non seulement aux familles métisses de se nourrir et de se vêtir, mais aussi de rassembler les ressources primaires nécessaires pour fabriquer les produits que les marchands métis troqueraient plus tard aux postes de traite à travers le Nord-Ouest et dans la Prairie (canadienne et américaine). Les marchands métis se déplaçaient notamment sur les routes de charrettes qui, déjà en 1812, allaient jusqu’à Saint-Paul (Minnesota) au sud et jusqu’à Edmonton à l’ouest, et qui n’ont fait que s’étendre sur un vaste territoire jusqu’à la construction du chemin de fer dans les années 1880[4].
Réseaux et recrutement
D’importants réseaux économiques et familiaux ont été créés durant la période de la traite des fourrures. Ces réseaux ont aussi servi de passerelles pour le recrutement et la mobilité, surtout dans l’axe Manitoba-Montréal, depuis la fin du 18e siècle. On pense, d’une part, aux réseaux créés par les compagnies de traite et les voyageurs qui étaient recrutés année après année dans les diverses paroisses de la grande région montréalaise et la région trifluvienne; d’autre part, on pense aux réseaux de parenté métis, auxquels de nombreux voyageurs étaient intégrés à la longue par les unions matrimoniales, dites « à la façon du pays’. Ces réseaux de parenté s’étendaient sur un territoire allant bien au-delà des frontières manitobaines.
Le cas de John Richard Dease et de son fils John Warren Dease, ancêtres d’une de nos participant-e-s, montre bien l’immensité du territoire couvert et les divers réseaux activés à des fins économiques et personnelles (voir les profils de Nancy Dease et de Paulette Duguay dans la carte interactive). John Dease, tant le père que le fils, sont un exemple parfait, sur deux générations, d’Européens liés à Montréal (voire à Londres) par leurs alliances avec le régime colonial britannique, mais qui ont passé la majorité de leur vie autour des Grands Lacs (en ce qui concerne le père) et dans l’Ouest (en ce qui concerne le fils). Dans le cas de ce dernier, il s’agit aussi du début d’une ascendance métisse ancrée dans la Prairie, et ce jusqu’à aujourd’hui.
John Richard Dease est né en Irlande en 1745. En 1771, après des études en médecine, il est envoyé à Johnstown (près de Rochester, NY) pour servir de médecin personnel à son oncle maternel, Sir William Johnson, surintendant des Affaires indiennes dans les Treize Colonies. Après la mort de ce dernier, Dease est nommé surintendant-adjoint des Affaires indiennes du district de Cataraqui (la région autour de la ville actuelle de Kingston en Ontario et du nord-ouest de l’État du New York). En janvier 1776, en raison du début de la Guerre d’Indépendance américaine, il est envoyé au Fort Niagara, situé sur le lac Ontario, à l’embouchure de la rivière Niagara. Jusqu’en 1780, il semble faire la navette entre le Fort Niagara et Montréal, où se trouve un contingent important de Loyalistes qui combattent au nom de la Couronne anglaise. Il restera dans les alentours des Grands Lacs jusqu’en octobre 1789 – il sera notamment nommé commissaire des Affaires indiennes et transféré à Michilimackinac. Il est toutefois appelé à Montréal pour un procès devant le Conseil législatif cette année-là. À la suite de la décision du Conseil de mettre Dease à pied, la famille s’établit dès 1790 dans le faubourg Sainte-Marie, à Montréal. Il y meurt en 1801.
En 1783, vient au monde au Fort Niagara John Warren Dease, le deuxième fils de John Richard Dease et de Jane French, une Mohawk de Kahnawake, près de Montréal. Les premières années de John Warren sont passées dans la région des Grands Lacs; à l’âge 7 ans, il déménage avec sa famille à Montréal. C’est là que, 11 ans plus tard, à l’âge de 18 ans, John Warren signera un contrat d’engagement avec la CNO pour aller aux « Indian or Interior Territories », comme l’indique l’acte notarié de son contrat. On en connaît peu sur ses allées et venues entre son départ de Montréal en 1801 et 1814. Cependant, on le retrouve au poste du Fort Lac La Pluie (dans la région du Lac des Bois dans l’état actuel du Minnesota) en 1814. C’est ici qu’il épouse Geneviève Benoît, une Métisse du Lac Vert en Saskatchewan. Ensemble, et avec leur famille grandissante, les Dease bougeront beaucoup au cours des 15 années suivantes. La famille s’installera tout d’abord au Fort Alexander, un poste de traite de la CNO sur la rivière Winnipeg, où John Warren est nommé « Chief Trader ». Après la fusion des deux compagnies en 1821, John sera employé de la CBH, qui l’enverra, dès 1822, dans le Pays de l’Oregon, où il demeurera pour le restant de ses jours.Dease y travaillera dans trois différents postes et sera très mobile à travers le Nord-Ouest, se rendant périodiquement aussi loin que Norway House (dans le nord du Manitoba actuel) pour rencontrer des dirigeants de la Compagnie. John Warren mourra en 1831 dans le Pays de l’Oregon, sur le chemin de retour du Fort Vancouver, où il était allé chercher des soins médicaux.
Dans un cas comme celui de John Warren Dease, les deux réseaux de parenté auxquels il avait accès (le réseau colonial britannique et vraisemblablement le réseau métis de sa femme) ont pu jouer un rôle actif dans sa mobilité aux Pays d’en-Haut et au Nord-Ouest. D’une part, le réseau britannique au sein duquel son père, John Richard, avait œuvré toute sa vie a sans doute permis à John Warren d’accéder aux fonctions importantes qu’il a occupées au sein de la CBH. D’autre part, le réseau métis, auquel John Warren a pu être intégré grâce à son union avec Geneviève Benoît, le rendait vraisemblablement un intermédiaire indispensable.
À la mort de John Warren Dease en 1831, sa femme Geneviève et ses enfants se seraient déplacés vers la colonie de la Rivière Rouge où ils auraient habité avec un des frères de John Warren, Frances Michael. On en connaît peu sur la vie de Geneviève Benoît après la mort de John Warren, mais son choix de destination n’est pas surprenant. Nicole St-Onge et Carolyn Podruchny expliquent que la Rivière-Rouge est une région particulièrement stratégique « because of [its] undeniable physical attraction in terms of geographic location and economic nexus, but also because of the webs of kinship that [run] thick through [it] » (2012 : 82).
La colonie de la rivière Rouge
La colonie de la rivière Rouge, fondée en 1812 par des colons écossais immigrés sous la protection de Thomas Douglas, le cinquième comte de Selkirk – et un des actionnaires principaux de la CBH – était peuplée principalement par des Métis (qui à cette époque étaient majoritairement de langue française et de religion catholique). Les Métis sont demeurés le groupe majoritaire dans la colonie pendant plusieurs décennies après l’arrivée des colons de Selkirk. En effet, selon l’abbé Antoine d’Eschambault, (Dorge,1973 : 11), autour de 1840, les familles catholiques dans la colonie (qui représentent un peu plus de la moitié des habitants étaient majoritairement métisses (571/880) ou canadiennes-françaises (152/880).
En 1822, le Conseil d’Assiniboia est mis sur pied par la CBH pour mettre à exécution la promesse faite à Lord Selkirk de fournir à la colonie une infrastructure juridico-politique à tout le moins rudimentaire. À partir de ce moment, ce sont les membres du Conseil (nommées par la CBH jusqu’à la fin des années 1840) qui détiennent l’autorité de légiférer et de maintenir l’ordre et la paix dans la colonie (Laudicina, 2009).
Peu après la Confédération canadienne de 1867, le nouveau gouvernement du Canada s’est trouvé dans une situation délicate. En effet, le jeune pays convoitait les terres de la colonie de la rivière Rouge en vue de les annexer à la nouvelle province de l’Ontario. Pour ce faire, il négociait avec la CBH afin qu’elle renonce à ses droits sur la Terre de Rupert. Dans l’anticipation d’une entente, le gouvernement a décidé d’entamer des travaux d’arpentage dans la colonie de la rivière Rouge en 1869. Les habitants de la colonie n’ayant pas été consultés, se sont insurgés. C’est à ce moment qu’un jeune dirigeant métis s’est distingué en tant qu’orateur et politicien avisé, Louis Riel. Métis, catholique et francophone, Riel est un chef politique qui a fait l’objet de nombreuses études tant dans le domaine académique que général. Il a tout d’abord dirigé le gouvernement provisoire d’Assiniboia qui a négocié avec le Gouvernement canadien pour la création du Manitoba et son entrée en Confédération en 1870 avec le statut de province. De surcroît, il a négocié pour que la population bilingue? et bi-religieuse ? d’Assiniboia, représentée dans le gouvernement colonial depuis 1851 et dans le fonctionnement des écoles [confessionnelles] de la colonie, le soit encore dans la constitution de la nouvelle province. Ainsi, à son entrée en Confédération, le Manitoba était effectivement une province bilingue dans laquelle les deux groupes religieux (catholique et protestant) avaient droit à leurs écoles confessionnelles respectives.
Sources savantes
Une importante littérature scientifique porte sur l’ethnogenèse métisse et le rôle des divers acteurs – qu’ils soient d’origine européenne, , métisse ou autochtone – dans le commerce des fourrures dans le Nord-Ouest et à la colonie de la rivière Rouge.
Pour ce qui est des voyageurs et du commerce de la fourrure, on peut penser à la monographie de Carolyn Podruchny (2006), Making the Voyageur World : Travelers and Traders in the North American Fur Trade, ou aux travaux des historiens Nicole St-Onge et Robert Englebert (année de publication?). Robert Vézina (année) a également rédigé une thèse sur le lexique des voyageurs durant l’époque de la traite. Dans le premier tome de Histoire du Manitoba, Jacqueline Blay (année) présente également les moments forts de la traite, de la colonie de la rivière Rouge et des négociations du Gouvernement provisoire de la colonie à Ottawa en 1869-70 pour l’entrée du Manitoba en Confédération. Pour ce qui est de la colonie d’Assiniboia, Nelly Laudicina a rédigé en 2012 une thèse sur le sujet ainsi que quelques articles. Enfin, le travail édité d’Antoine d’Eschambault (Dorge, 1973) traite également de la traite et de la colonie.
En ce qui concerne l’ethnogenèse et la mobilité métisse, le travail en deux tomes de l’ethnologue Marcel Giraud (1984 [1945], Le Métis canadien) est une source incontournable. Les ethnohistoriennes Nicole St-Onge et Brenda McDougall (2012?) ainsi que le géographe Étienne Rivard (2016?) ont, plus récemment, abordé ce sujet en profondeur. Les travaux de l’historien Gerhard Ens ont également contribué aux connaissances historiques sur les Métis. Enfin, le livre de Marcien Ferland, Au temps de la Prairie, décrit également les points forts des événements menant à la Résistance de la rivière Rouge, au Gouvernement provisoire d’Assiniboia ainsi qu’à l’entrée du Manitoba en Confédération en tant que cinquième province, tel que racontés par un aîné Métis, Auguste Vermette.
4. Le peuplement de la province et la dispersion des Métis, 1870-1930
Peu de temps après la Confédération, l’archevêque de Saint-Boniface, Mgr Alexandre-Antonin Taché, craignait que le nouveau gouvernement canadien n’envoie trop rapidement dans la nouvelle province des colons anglophones qui feraient pencher la balance démographique en faveur des anglo-protestants ou même des anglo-catholiques (d’origine irlandaise). Dans l’état actuel des choses, l’Église canadienne-française avait beaucoup d’influence dans la nouvelle province du Manitoba – tout comme elle l’avait eu aussi à Assiniboia – compte tenu du fait que les Métis étaient à 60 % catholiques et d’ascendance française. Ainsi, pour atténuer ce changement démographique anticipé, Mgr Taché demanda au clergé du Québec l’envoi de colons
Or, le peuplement du Manitoba et les appels de Taché faisaient concurrence à la société de colonisation du Curé Labelle qui recrutait activement au Québec et aux États-Unis pour le peuplement des Laurentides et du Témiscamingue au cours de cette même période. Très peu de colons vinrent effectivement au Manitoba en provenance du Québec. En effet, depuis déjà trois décennies, la province de Québec était aux prises avec un exode massif vers la Nouvelle-Angleterre où les Canadiens français tentaient de trouver de meilleurs emplois dans les usines de textiles. Cependant, dans ces villes de la Nouvelle-Angleterre, des sociétés de colonisation se sont développées. Elles tentent, notamment, de recruter, avec un succès tout de même notable, des Canadiens français pour peupler la nouvelle province du Manitoba.
Alphonse Demontigny et Marceline Coulombe, un couple canadien-français arrivé au Manitoba dans les années 1900, sont un exemple probant de ce trajet migratoire vers le Manitoba en passant par les États-Unis d’Amérique (voir le profil de Demontigny dans la carte interactive). En effet, Alphonse est né dans la région de Trois-Rivières en 1873. Durant son enfance et son adolescence, la famille Demontigny semble effectuer plusieurs allers-retours aux États-Unis (notamment au New Hampshire); on n’en sait toutefois que très peu sur cette mobilité. Marceline, pour sa part, est née autour de 1871 dans la région de Lévis. Lorsqu’elle épouse Alphonse à Manchester, NH, en 1897, sa famille et elle y demeurent depuis déjà une décennie. Le jeune couple revient au Québec pour un petit moment au tournant du 20e siècle et semble déménager au Manitoba entre 1905 et 1908. En 1911, les Demontigny habitent dans la paroisse du Sacré-Cœur, à Winnipeg. Dès 1916, la famille s’établit à Sainte-Anne-des-Chênes et y possède un lot qu’elle cultive pour sa subsistance. Alphonse abandonnera son épouse pendant plusieurs décennies, puisqu’il s’installera pour à Wayne, près de Détroit, MI. Il reviendra à Sainte-Anne vers la fin des années 1950 où il demeurera chez son frère pendant quelques années avant son décès. Marceline quant à elle ne quittera jamais le Manitoba.
Bien qu’on ne puisse pas exactement savoir comment Alphonse et Marceline ont été recrutés, il est plausible qu’ils seraient entrés en contact avec une société de colonisation qui les aurait aiguillés vers le Manitoba – par exemple durant les premières années de leur mariage au New Hampshire.
Il convient de noter que des sociétés de colonisation se sont également développées en Europe, notamment en France, en Belgique et en Suisse, dans le but d’y recruter des franco-catholiques. Les concessions foncières disponibles au Manitoba étaient particulièrement intéressantes pour certains Européens.
Pour certains, qui vivaient dans des régions troublées de la France, par exemple en Alsace pendant la Guerre franco-allemande de 1870, les terres fertiles du Manitoba et les concessions offertes par le gouvernement canadien rendaient le déplacement très attrayant. La famille de Charles Vouriot et de Marie-Catherine Masson (également ancêtres d’un de nos participants) est un bon exemple de ce type de mobilité. Charles et Marie-Catherine sont tous les deux nés en Lorraine, dans des villages voisins. Ils se marient en 1852 et s’établissent sur la terre des Vouriot à Fraquelfing. C’est là que naîtront leurs trois fils. À l’issue de la guerre et de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par la Prusse, les Vouriot décident de conserver leur nationalité française et traversent la nouvelle frontière pour s’enregistrer à Velaine-sous-Amance (en Meurthe-et-Moselle actuelle), ce qui les range comme « optants » – c’est-à-dire les individus qui optent pour la nationalité française plutôt qu’allemande. Les Vouriot, qui ont une maison et une terre à Fraquelfing, doivent ainsi quitter leur patelin. Plusieurs de leurs compatriotes demeurent en France, mais les Vouriot par pour l’Amérique, comme le font tout de même certains Alsaciens depuis déjà plusieurs décennies (Grandhomme, 2018). Leur fils aîné, Lucien, a alors 19 ans. La famille embarque en 1873 au Havre sur le navire Holland à destination de la ville de New York, où ils arrivent le 11 septembre 1873. Déjà en 1874, Charles, Marie-Catherine et leurs fils sont installés dans la paroisse de Saint-Norbert au Manitoba, sur un lot de terre à Lasalle, où ils travailleront comme agriculteurs.
Encore ici pour le cas des Vouriot, on peut supposer que les sociétés de colonisation y ont été pour quelque chose dans leur choix de destination lorsqu’il se sont rendus en Amérique du Nord.
Pour d’autres, par exemple pour des Français qui demeurent dans des régions traditionnellement catholiques, voire royalistes, de la France et qui étaient persécutés depuis la Révolution française, la liberté de religion qu’offrait la nouvelle province du Manitoba était donc très attrayante. On peut penser ici à la fondation de paroisses comme Notre-Dame-de-Lourdes par un prêtre-colonisateur, dom Paul Benoît, originaire du Jura, qui voyait dans le Nouveau Monde, et particulièrement le Manitoba, une possibilité d’exercer librement ses droits religieux (Gaborieau, 1991). Mgr Taché accueillait effectivement ces prêtres-colonisateurs franco-catholiques à bras ouverts après l’échec de l’appel qu’il avait fait auprès du clergé canadien-français du Québec peu après la Confédération et qui était plus ou moins resté lettre morte.
Bien que la population de la nouvelle province du Manitoba ait augmenté dans l’ensemble de façon exponentielle au cours des premières décennies de son existence, la population franco-catholique n’a pas augmenté comme l’aurait souhaité Mgr Taché, et ce pour diverses raisons. Ses efforts de colonisation au Québec et en Europe, bien qu’importants en nombre absolu – et encore très pertinents dans la composition démographique et culturelle de la francophonie manitobaine d’aujourd’hui – n’ont tout simplement pas réussi à contrecarrer le flux de migration interne? et d’immigration internationale vers la nouvelle province dans les décennies qui ont suivi l’entrée du Manitoba en Confédération.
De plus, l’entrée en Confédération du Manitoba a eu des répercussions sur le mode de vie du peuple métis. Ces changements, ainsi que certaines politiques comme le scrip, ont forcé les Métis à quitter leurs lots autour de Saint-Boniface à partir des années 1870 pour s’installer plus à l’ouest ou au sud, notamment pour former des paroisses dans d’autres régions, les reléguant ainsi aux marges géographiques des centres décisionnels comme Saint-Boniface et Winnipeg. C’est ce que les chercheurs ont appelé la ‘dispersion métisse’.
Le cas de Toussaint Vermette et Élise Tourond (également ancêtres d’un de nos participants) illustre bien une des nombreuses configurations qu’a prise la dispersion métisse. Toussaint Vermette est soldat dans les troupes de Riel durant les « troubles » de 1869-70, à savoir la Résistance de la rivière Rouge, et il est garde à La Barrière et au Fort Garry. À cette époque, Toussaint et Élise habitent sur un lot à Saint-Norbert. Or, en 1874, Toussaint et Élise quittent Saint-Norbert pour s’installer sur un lot à la rivière aux Rats, sur le territoire qui deviendra sous peu la paroisse de St-Pierre-Jolys. Cette mobilité vers le sud de la vallée de la rivière Rouge est un déplacement que font plusieurs autres familles métisses à l’incitation de Mgr Ritchot qui tente de palier à la dispersion des Métis en les incitant à se regrouper et à former des paroisses. Les Vermette s’installent sur le lot #11 à la rivière aux Rats, une terre qui demeurera dans la famille Vermette jusqu’à la fin des années 1960. La terre de Toussaint à St-Pierre sera divisée en quatre et léguée à ses quatre fils durant les années 1910.
Il faut aussi rappeler que les rigueurs du climat et les conditions agricoles ardues dans la nouvelle province du Manitoba ont également dissuadé certains colons, particulièrement européens, de rester au Manitoba. Bien que fertiles, ces immenses terrains devaient être défrichés et labourés avant que les nouveaux colons puissent entamer les pratiques agricoles auxquelles ils étaient habitués.
Enfin, la première guerre mondiale a également joué un rôle dans le ralentissement migratoire et la baisse démographique de certains francophones de la province. Par exemple, certains des Français qui sont arrivés au tournant du 19e siècle ont été rappelés en France pour combattre pour la France pendant la guerre (Kern, 2007). Certains sont revenus au Canada, d’autres, qui ont survécu, ont plutôt décidé de demeurer en Europ
En somme, l’équilibre démographique entre locuteurs français et locuteurs anglais qui caractérisait la population du Manitoba avant 1870 – et qui avait permis aux leaders Métis de négocier avec le Canada pour une constitution représentative où les droits linguistiques et religieux étaient reconnus et législativement enchâssés dans le document fondateur – s’est assez rapidement atténuée après la Confédération. D’autant plus que, sur le plan législatif, le groupe français a successivement perdu ses droits linguistiques au niveau provincial (1890) ainsi que ses droits scolaires (1916)[5] à la suite d’une première transformation juridique en 1891 lors de la déconfessionnalisation des écoles de la province.
Réseaux et recrutement
Durant cette époque post-Confédérative, plusieurs acteurs ont joué un rôle non seulement dans le recrutement de migrants francophones, mais aussi dans la structuration de leur communauté d’accueil. L’église est bien entendu un des principaux acteurs ici. D’une part, elle est un acteur de premier plan car elle a encouragé les sociétés de colonisation et les efforts du clergé colonisateur en vue de faciliter le recrutement des migrants. D’autre part, l’Église est très active sur le plan de la gestion du réseau scolaire et associatif, ce qui facilite l’organisation sociale des francophones dans la nouvelle province.
Bien que l’on assiste à une diminution de la migration francophone vers le Manitoba dans les premières décennies du 20e siècle, il convient de souligner qu’un apport constant de migrants était soutenu par le maintien du réseau scolaire et religieux. Ainsi les congrégations religieuses – dont plusieurs étaient basées originalement au Québec ou en France – envoyaient de manière assez constante de nouvelles recrues, soit pour prêcher ou, plus souvent, pour gérer les écoles et y enseigner. Enfin, on ne peut bien sûr pas négliger la part des réseaux de parenté de part et d’autre de l’Atlantique, même s’il est parfois plus difficile de le quantifier.
Sources savantes
Les divers facteurs qui ont marqué le peuplement francophone au Manitoba depuis la Confédération – qu’il s’agisse de la dispersion métisse ou des vagues de migration interne et d’immigration – ont été largement étudiés par les historiens, les anthropologues et les géographes.
Pour ce qui est de la dispersion métisse on peut penser aux travaux d’ Étienne Rivard (année?), de Nathalie Kermoal (année)et de certains des autres chercheurs qui ont été mentionnés à la section précédente. En ce qui a trait au rapatriement des Canadiens français en Nouvelle-Angleterre, au recrutement de Franco-Catholiques au Québec ou en Europe et plus généralement au peuplement francophone de la province, plusieurs historiens se sont penchés sur ces questions. Pour ce qui est du rapatriement des Canadiens français en Nouvelle-Angleterre ou du recrutement au Québec, les historiens Robert Painchaud (année) et André Lalonde (année) sont les principaux chercheurs à avoir étudié ce sujet. Les travaux de Painchaud (année) traitent aussi du recrutement en Europe et du rôle du clergé dans ce recrutement tous azimuts. L’ouvrage d’Yves Frenette (1998), Brève histoire des Canadiens français, remet ce recrutement et cette mobilité dans la trame historique du peuple canadien-français. Pour ce qui est de la migration franco-européenne, les travaux de Donatien Frémont (année), la thèse de doctorat de Audrey Pyée (2005) et, plus récemment, l’ouvrage collectif dirigé par Sathya Rao (2018) sont des études incontournables sur le sujet. Enfin, l’ouvrage collectif de Yves Frenette, Étienne Rivard et Marc St-Hilaire (2012?, La francophonie nord-américaine, est également une ressource pertinente en ce qui a trait au peuplement du Manitoba et aux mouvements de populations francophones à travers le Canada.
5. Les exodes, 1930-1971
Tel que mentionné précédemment, au cours des premières décennies d’existence de la province du Manitoba, l’Église catholique constituait une présence notable dans la structure du groupe francophone et catholique de la province. De nombreuses paroisses catholiques ont été fondées et constituaient des communautés dynamiques axées principalement sur l’agriculture. On peut soutenir que la ville de Saint-Boniface, avec ses nombreuses institutions religieuses, scolaires, collégiales, culturelles, etc., a toujours été le noyau de la francophonie manitobaine, et ce possiblement depuis l’époque de la colonie de la Rivière- Rouge. Cependant, il convient de noter que les différentes dizaines de paroisses franco-catholiques de la province ont également contribué à une présence française dynamique et organisée dans la province.
Or, dès les premières décennies du 20e siècle, la population rurale du Manitoba (toutes origines ethniques confondues) est en diminution continuelle et l’exode rural se fait sentir d’autant plus puissamment dans les années d’après-guerre. L’exode rural n’est bien entendu pas un phénomène unique au Manitoba ou au Manitoba français, mais il colore tout de même son histoire et enrichit notre compréhension de la mobilité des francophones sur ce territoire.
L’exode rural vers les villes de Saint-Boniface et de Winnipeg était une préoccupation constante de l’Église catholique, qui tendait à privilégier les modes de vie agricole, rural et sédentaire pour ses ouailles. L’idéologie dite clérico-nationalise prônait l’idée que ces modes de vie permettaient de lutter contre les idéologies corrompues de l’industrialisation et de la vie urbaine. La langue était l’une des clés de voûte sur laquelle le clergé et l’élite fondaient leur idéologie et leur propagande. Si la langue était perdue, disait-on, la foi catholique le serait aussi – Qui perd sa langue perd sa foi – une situation qui pourrait facilement se produire dans le paysage urbain du Manitoba, où l’anglais était la langue prédominante. Néanmoins, les francophones ont migré de manière continuelle vers la ville au cours de la première moitié du 20e siècle.
Simone Dubois (également ancêtre d’un de nos participants) est un exemple saillant de l’exode rural des francophones du Manitoba dans les années d’après-guerre. Simone est née en 1925 à Sainte-Anne-des-Chênes dans une famille qui, des deux côtés, habite en milieu rural depuis plusieurs générations. Elle passe son enfance dans le village, mais, en 1942, son père trouve un emploi à Hadashville, un village qui se situe à environ 60 kilomètres à l’est ? de Sainte-Anne, et il y déménage la famille. Simone, qui est alors en 12e année, demeure à Sainte-Anne avec son frère aîné pour terminer sa scolarité chez les Sœurs Grises. Elle rejoindra sa famille à Hadashville en 1943, mais déménagera à Saint-Boniface assez rapidement, notamment pour apprendre l’anglais. C’est là qu’elle épousera son premier mari, Roland Duguay, lui aussi natif de Sainte-Anne, et où elle aura ses trois enfants. Elle ouvrira un commerce avec Roland et travaillera à Saint-Boniface pendant toute sa vie.
Le cas de Simone et de Roland n’est pas unique ; il rappelle l’attrait de la ville et la myriade de raisons qui attire la population rurale en son sein. Pour certains francophones, comme c’est le cas pour Simone et Roland, la réalité que craignent l’élite et le clergé est justement ce qui attire les migrants le plus : la possibilité de développer leurs habiletés en anglais – ressource linguistique de plus en plus nécessaire sur le marché du travail – et, surtout, de pouvoir permettre à leurs enfants de parler mieux anglais qu’eux le parlaient à leur arrivée sur le marché du travail (Monnin et Hallion, 2016-2017; Monnin, 2018a).
Une autre raison pour laquelle certains Franco-Manitobains déménagent en ville est pour faire des études. Ce déménagement se faisait généralement à un âge relativement jeune, car les collèges classiques de Saint-Boniface accueillaient les jeunes garçons dès le début du secondaire.
Les études ont également amené certains francophones à s’installer au Québec pour leurs études classiques ou pour poursuivre des études supérieures ou des formations diverses en français, notamment celui de prêtre ou certains métiers comme l’agronomie.
Étudier dans l’est du pays a en fait commencé très tôt, à savoir dès les années 1850. Par exemple, le jeune Louis Riel a été envoyé à Montréal en 1858 pour étudier en français chez les Sulpiciens au Collège de Montréal. Cette mobilité étudiante a continué pendant la deuxième moitié du 19e siècle et tout au long du 20e siècle. Elle continue encore aujourd’hui (voir profil de Mélanie Walkty dans notre carte interactive).
Ainsi, durant la période 1930-1960, une proportion assez stable de diplômés d’origine manitobaine du Collège de Saint-Boniface (CSB) partait pour étudier ou pour s’installer au Québec, à savoir autour de 16 % à 17 % de chaque promotion (voir graphique 1). Les promotions des années 1960 n’ont pas agi de manière radicalement différente en ce qui a trait aux déplacements vers le Québec[6], mais la décennie s’est tout de même distinguée des décennies précédentes vu les discours que tenaient une partie importante des collégiens et des diplômé(e)s de ces années-là à l’égard de l’élite dirigeante et du clergé (Monnin, 2018a et 2018b).
Dans le monde, les années 1960 ont constitué un moment particulier d’ébullition et de changement. Le Canada et le Manitoba n’ont pas été épargnés par ce courant (pour le Manitoba, voir Hébert, 2012 et Léveillé, 2012). Le flux de jeunes qui partaient vers le Québec dans les années 1960, même s’il n’était pas proportionnellement plus important que ceux des décennies précédentes, embêtait tout particulièrement l’élite traditionnelle, des membres de la relève ayant effectivement menacé de quitter le Manitoba pour s’installer dans la société dite plus moderne du Québec et, plus généralement, de l’est du pays, si une transformation socioculturelle ne se produisait pas sous peu au Manitoba (Léveillé, 2012[7]). Ils faisaient ainsi usage de la menace d’un exode des cerveaux pour souligner la nécessité d’un changement dans la gouvernance des structures institutionnelles au Manitoba. français et l’importance de la laïcisation de ces structures.
Notons que l’Ouest canadien (surtout la Colombie-Britannique et l’Alberta) semble également attirer une petite proportion de collégiens d’origine manitobaine, particulièrement en ce qui concerne les diplômés des années 1940 et des années 1960[8].
Réseaux et recrutement
La mobilité des jeunes Franco-Manitobains dans la période 1930-1960 a été encadrée, j’avancerais encore une fois, par l’Église. Pour ce qui est de l’exode rural, bien que cette migration ne soit pas nécessairement encouragée par le clergé, il reste que le maintien de paroisses francophones dans les villes de Saint-Boniface et, dans une certaine mesure, de Winnipeg[9], ainsi que le maintien d’un réseau scolaire clandestin fort et organisé permettaient d’accueillir, de scolariser et de socialiser les migrants francophones nouvellement arrivés en ville.
En ce qui concerne la mobilité vers l’Est, la majorité des migrants s’est déplacée pour les études ou pour un emploi. Ici, le réseau des collèges classiques (et les universités qui en émanaient) est certainement très actif dans le recrutement. Ce réseau collégial et universitaire, qui est présent à travers presque tout le Canada, est soutenu par les congrégations religieuses. On ne peut pas non plus négliger le rôle du gouvernement fédéral dans le recrutement (quoique plutôt passif à cette époque) d’employés bilingues au Manitoba, la dualité linguistique et culturelle étant d’une importance grandissante à partir des années 1950.
Sources savantes
Il y a eu très peu d’écrit sur ces divers exodes. Dans le troisième tome de l’Histoire du Manitoba français, Jacqueline Blay (2016) traite de la période 1930-1960, mais elle n’analyse pas particulièrement la question de la mobilité, bien que l’exode rural soit possiblement mentionné en passant. Il en va de même pour la thèse de doctorat de Michelle Keller (2019) qui traite pour sa part du réseau institutionnel canadien-français entre les années 1910 et 1960. Les travaux les plus poussés sur la mobilité durant cette période incluent la thèse de doctorat de Monnin. (2018a) et les travaux qui ressortent du présent projet.
6. « Modernité » et revitalisation, 1971-2019
La population francophone au Manitoba a connu une diminution continuelle au cours des trois dernières décennies du 20e siècle, et ce pour plusieurs raisons, dont les divers exodes mentionnés à la section précédente, mais aussi pour des raisons communes à l’ensemble du Canada, à savoir le vieillissement de la population et la baisse de natalité. Comme on peut observer dans les graphiques 2 et 3, même si la population de langue maternelle française augmente légèrement en nombres absolus dans les années d’après-guerre, elle diminue continuellement à partir de 1971 (graphique 2) et, à partir de 1951, son poids dans la population totale du Manitoba baisse à chaque recensement (graphique 3).
Or, au tournant des années 1970, grâce à des changements législatifs survenus tout d’abord au niveau fédéral et ensuite au niveau provincial, la population de langue française du Manitoba obtient des droits linguistiques et scolaires de plus en plus importants ainsi qu’une reconnaissance juridique dans la société canadienne et manitobaine. Or, la divergence entre la montée en flèche des droits linguistiques et scolaires de la minorité francophone et la diminution de la population francophone a obligé l’élite dirigeante à se tourner une fois de plus vers le recrutement extérieur, dans la même veine que l’initiative de Mgr Taché à la fin du 19e siècle après la dispersion métisse.
Ainsi, le recrutement à l’étranger, en Europe tout d’abord et plus récemment en Afrique, mais aussi au Québec et même ailleurs dans le monde, constitue une stratégie particulièrement répandue au Manitoba depuis les années 1990. Ce recrutement à l’étranger, qui aurait possiblement commencé avec le Collège universitaire de Saint-Boniface[10], s’est non seulement accru à partir des années 1990, mais est même devenu une priorité pour la communauté franco-manitobaine au tournant du 21e siècle. En effet, en 2001, la Société franco-manitobaine (SFM) lance le projet « Agrandir l’espace francophone au Manitoba : toile de fond commune 2001-2050 », un plan stratégique s’étalant sur une période de 50 ans qui vise tous les organismes communautaires de la francophonie manitobaine et qui a pour but le recrutement et la rétention des immigrants francophones dans la province. Le graphique 4 montre en effet que, depuis 2001, le nombre de résidents permanents au Manitoba qui ont une connaissance du français augmente de manière continue et, surtout, de manière stable (graphique 4).
Dans cette optique, cette diversification dans le recrutement a également permis de cibler les jeunes anglophones ou allophones provenant des écoles d’immersion de la province. Depuis 1978, la voie de l’immersion française existe au Manitoba. Ces écoles desservent des jeunes d’origines diverses qui souhaitent (ou dont les parents souhaitent) recevoir une éducation bilingue. Depuis les années 1970, le bilinguisme est en effet une ressource linguistique convoitée au Canada, étant donné, notamment, l’augmentation de services fédéraux en français (ainsi que de services provinciaux et municipaux) et des débouchés professionnels offerts par l’ouverture de ces nouveaux secteurs.
Le recrutement de francophones d’origines nationales diverses apporte une grande diversité au sein de la population francophone du Manitoba – un atout que les discours officiels ne négligent pas de souligner en termes élogieux. Toutefois, cette diversification amène également de nouvelles tensions linguistiques et culturelles, notamment par rapport à la connaissance et la valorisation de l’anglais, la définition du « bon français » et, dans certains cas – plus rares – par rapport à la religion (Monnin 2018a). Ces tensions sont également soulignées périodiquement dans le discours de presse, dans le rapport récent des États généraux (de Moissac, dir. 2016) et même dans la production artistique, comme dans le film FM Youth du réalisateur Stéphane Oystryk (2014).
Il convient de noter que, comme l’indiquent les travaux en cours de Monica Heller et Gabrielle Breton-Carbonneau, la mobilité des jeunes franco-manitobains vers le Québec est encore d’actualité au 21e siècle, tout comme j’ai montré qu’elle l’était depuis plusieurs décennies déjà dans ma thèse de doctorat (Monnin, 2018a). Pour ce qui est des statistiques de la migration interprovinciale, au graphique 5, on peut voir qu’un taux élevé de migrants manitobains se déplaçait vers le Québec durant les années 1970, mais que, dans les décennies qui ont suivi, ce nombre n’a fait que diminuer de manière continue. En effet, comme on peut voir au graphique 6, le nombre de migrants interprovinciaux entrants au Québec en provenance du Manitoba (toutes langues maternelles confondues[11]) oscille autour de 500 migrants par année en moyenne depuis le début des années 1980, ce qui correspond, peut-être pas incidemment, à l’époque du premier référendum sur la souveraineté du Québec.
Comme le montrent les plus récents travaux qui traitent du Manitoba dans le cadre du projet « Un Canadien errant »[12], cette migration vers le Québec, et peut-être plus précisément vers Montréal, bien qu’elle ne soit pas énorme en nombres absolus, revêt une importance symbolique, plaçant Montréal dans la position de pôle d’attraction des francophones des autres provinces.
J’ajouterais que, depuis le milieu des années 1990, le Nouveau-Brunswick attire quelques jeunes Franco-Manitobains qui vont étudier la common lawen françaisà l’Université de Moncton. Avant la création de ce programme, les étudiants qui voulaient étudier la common law en français devaient s’inscrire à l’Université d’Ottawa (ce programme n’existe que depuis 1977)[13]. Bien que la proportion d’étudiants franco-manitobains qui étudient le droit à l’Université de Moncton ne soit peut-être pas énorme, son existence depuis 1994 revêt une importance symbolique dans le choix des réseaux professionnels et personnels qui se créent à travers la francophonie canadienne (comprendre ici, hors Québec) et qui alimentent les initiatives collaboratives des francophonies en milieu minoritaire à plusieurs niveaux organisationnels.
Réseaux et recrutement
Depuis les années 1970, le gouvernement fédéral joue un rôle de plus en plus grand dans la mobilité des francophones, notamment vers la région d’Ottawa. En revanche, les divers organismes communautaires et institutions francophones du Manitoba, notamment les écoles, constituent un attrait pour le recrutement et la rétention de francophones d’origines diverses[14]. Si ces organismes ne recrutent pas nécessairement aussi activement que le faisaient les institutions d’avant-guerre, le milieu associatif franco-manitobain facilite l’adaptation et les trajectoires des migrants afin qu’ils puissent s’épanouir professionnellement en français au Manitoba.
Sources savantes
Il n’existe pas un grand nombre de travaux scientifiques sur la mobilité au Manitoba depuis la fin du 20e siècle. Toutefois, il s’agit d’une question qui est périodiquement discutée dans les médias communautaires et d’un phénomène qui esmesuré par les institutions gouvernementales, comme on peut rapidement le constater en consultant le site Web de Immigration Manitoba. Depuis 2018, un projet de recherche de l’Université de Saint-Boniface est financé en partie par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour mieux comprendre l’accès aux services fédéraux pour les immigrants.
7. Conclusion
Par l’entremise de cette synthèse, on constate que l’Église catholique influence la mobilité des francophones au Manitoba, du moins jusqu’au milieu du 20e siècle. On ne peut bien sûr négliger les liens de parenté et les réseaux familiaux créés et entretenus. L’importance de ces réseaux a été démontrée chez les Métis et les voyageurs au 18e et 19e siècles dans les travaux de Nicole St-Onge, Robert Englebert, Brenda McDougall et éPodruchny. Bien que moins de recherches aient été mené sur l’importance de ces réseaux pour d’autres groupes francophones du Manitoba, les thèses de doctorat d’Audrey Pyée et d’Isabelle C. Monnin ont tenté de comprendre et de décrire le réseautage, respectivement, chez les migrants français à la Montagne Pembina (Pyée, 2005) et chez les Franco-Manitobains au Québec et à Ottawa (Monnin, 2018a).
La question de la mobilité au Manitoba est encore un secteur à développer, d’où l’intérêt de projets comme « Un Canadien errant : ancrages, mobilités et restructurations transformatrices de l’identité nationale » (dir. Monica Heller) et depuis 2019 « Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord (1640-1940) » (dir. Yves Frenette) qui comprend un chantier manitobain et des études qui portent sur Montréal. De plus, l’élaboration d’outils interactifs comme les trajectoires et les profils qui ressortiront du projet « Un Canadien errant »ajouteront un support visuel important et accessible à tous.
Bibliographie pertinente.e sources citées dans ce rapport
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Un Canadien errant : ANCRAGES, MOBILITÉS, ET RESTRUCTURATIONS TRANSFORMATRICES DE L’IDENTITÉ NATIONALE (2019). En ligne, < uncanadienerrant.ca >
[1] Ces données ont été analysées dans ma thèse de doctorat (Monnin, 2018a).
[2] Il s’agit de recherches effectuées dans les archives personnelles des divers participants, ainsi que des recherches menées sur la plateforme Ancestry.
[3] Il convient de noter que cette périodisation est personnelle. Elle pourrait être modifiée selon des critères différents et/ou pourrait être étendue en créant des sous-catégories temporelles.
[4] Les charrettes de la Rivière-Rouge sont un véhicule conçu par les Métis spécifiquement pour les activités marchandes qu’ils exerçaient durant la traite des fourrures et des peaux de bison. Les charrettes servaient à la fois de véhicules, d’entrepôts, de lits et même de fortifications lorsque plusieurs d’entre elles étaient mises en cercle dans un campement (Source?).
[5] De 1916 à 1971, le groupe de langue française du Manitoba n’as pas le droit d’être instruit en français, et ce malgré la stipulation à cet effet dans l’Acte du Manitoba, le document fondateur de la province, négocié par Louis Riel en 1870 lors de l’entrée du Manitoba en Confédération. Ainsi, à partir de 1916, un réseau scolaire clandestin franco-catholique se forme, mené et géré par l’Association d’Éducation des Canadiens français du Manitoba (AÉCFM). Source ?
[6] En fait, la proportion de collégiens des années 1960 qui se sont installés au Québec (16,43 %) a légèrement baissé, comparativement à celles des années 1950 (16,91 %) et des années 1940 (17,54 %).
[7] Dans son analyse des discours subversifs dans le journal étudiant du Collège de Saint-Boniface, Frontières, Roger Léveillé (2012) cite un passage particulièrement révélateur de ce conflit générationnel, tiré d’un article de Michel Monnin en 1965. On peut y lire :
[..] Et même plus, c’est une lutte entre générations qui risque d’éclater sous peu au détriment de tous. La question française n’est pas uniquement une question d’écoles, mais aussi une question de culture. Il nous faut des débouchés et des moyens d’expressions [sic] qui permettront à notre culture de s’épanouir comme elle le devrait et, si ces débouchés ne s’ouvrent pas sous peu ou ne sont pas offerts, notre jeunesse, et moi le premier, se dirigera vers le Québec (Léveillé, 2012 : 151).
[8] Ces données sont tirées des Archives de l’Université de Saint-Boniface. Voir Monnin (2018a).
[9] On pense ici à la paroisse Sacré-Cœur dans le quartier actuel du North End à Winnipeg.
[10] Mon travail de terrain indique qu’une petite proportion de migrants étrangers francophones s’est installée au Manitoba aussi tôt que les années 1970 pour travailler, notamment au Collège universitaire de Saint-Boniface (Université de Saint-Boniface depuis 2013). Le monde universitaire est toutefois particulier puisqu’il doit embaucher des professeurs qui possèdent non seulement une maitrise du français, mais aussi des diplômes d’études supérieures dans la même langue, et ce dès la laïcisation de l’établissement en 1969.
[11]e Malgré nos efforts de recherche, nous n’avons pu trouver ces informations particulières à la migration entre Manitoba et le Québec selon la langue maternelle. Ou tu utilise le je ou tu utilises le nous, mais il faut choisir
[12] Notamment les communications de Heller et Breton-Carbonneau (2017) et celle de Heller, Breton-Carbonneau et Monnin (2019).
[13] Voir l’article suivant pour les développements récents à ce sujet : <https://l-express.ca/common-law-en-francais-calgary-devance-toronto/ >.
[14] Même s’il s’agit officiellement d’une Société d’état et non d’un organisme communautaire, j’inclus ici Radio-Canada. Mon travail de terrain indique que ce média régional agit de manière similaire au milieu associatif en ce qui a trait au recrutement et à la rétention de francophones d’origines diverses.
Annexes
Graphique 1

Graphique 2

Graphique 3

Graphique 4

Graphique 5

Graphique 6
