Le Manitoba français émerge à la fin du 18e siècle dans la mouvance de la traite des fourrures. Des engagés, originaires du Québec et de l’Écosse, entrent alors en relation avec des femmes amérindiennes. Il en résulte un métissage biologique, culturel et linguistique. En 1812, un philanthrope anglais, Lord Selkirk, fonde une colonie sur les bords de la rivière Rouge. Il recrute surtout des colons britanniques. Six ans plus tard, Selkirk invite l’Église catholique dans la colonie. Naît alors Saint-Boniface, qui devient rapidement le centre institutionnel de la francophonie manitobaine. En parallèle, la Compagnie de la Baie d’Hudson, grande entreprise de fourrures, encourage ses engagés retraités, qui sont souvent métissés, à s’installer à la Rivière-Rouge. En 1869, face à l’expansion canadienne vers les vastes territoires de l’Ouest, une grande partie des Métis, dirigés par Louis Riel, se soulève. Après un dur conflit, ils obtiennent une province bilingue, dont la constitution est modelée sur celle du Québec. Le Manitoba compte alors 12 000 personnes, dont la moitié sont des Métis francophones, le tiers des Métis anglophones et le sixième des Blancs. En plus, dans toute la région de la Prairie, on compte alors entre 25 000 et 35 000 Amérindiens. Après 1870, des vagues d’immigrants anglophones, allophones et, dans un degré moindre, francophones (Canadiens français, Français, Wallons, Suisses romands) déferlent sur le Manitoba, en faisant rapidement une province multiculturelle, mais sous domination politique et culturelle anglo-canadienne. Les francophones s’installent à la Rivière-Rouge et ailleurs dans la province.
Saint-Boniface, aujourd’hui un quartier de Winnipeg, demeure le centre institutionnel, culturel et linguistique des francophones du Manitoba, avec sa cathédrale, son archevêché, son université, son théâtre, sa société historique, son Festival du Voyageur, ses vieilles et nouvelles associations. Comme le reste du Canada, les régions agricoles du Manitoba se dépeuplent de nos jours. Sur le plan linguistique, 15 % des 1 208 268 Manitobains ont déclaré parler le plus souvent le français à la maison, et 9 % ont déclaré connaître le français et l’anglais.
Nous nous intéressons à deux formes de mobilité dans l’espace franco-manitobain. Nous suivons ceux qui ont quitté, ou encore ceux qui font le va-et-vient entre la province et Montréal (surtout des jeunes professionnel-le-s et des artistes). Nous examinons également les efforts institutionnels pour attirer des immigrant-e-s francophones, et l’impact de leur intégration (ou non) sur une petite communauté « tricotée serrée ». Nous nous demandons aussi si la forte présence des Premières Nations et des Métis influe sur les relations entre anciens et nouveaux francophones. Et nous posons la question : est-ce que la diversité francophone originelle joue un rôle dans l’accueil des immigrants ?